Lionel Garreau, Directeur de la practice Digital Workspace – épisode #2

19 avril 2023

Lionel Garreau 2

Suite et fin de la séquence “Parole d’expert” consacrée à Lionel Garreau, Directeur de la Practice Digital Workspace. Si dans la première partie il évoque la place de l’innovation, l’importance d’analyser les besoins ou encore les challenges liés à l’autonomisation des utilisateurs, place désormais à une vision plus prospective du métier. 
L’autonomie des utilisateurs est-elle la seule piste de gain pour les DSI ?

C’est une piste importante qui croît chaque jour avec la multiplication des applications sur les postes de travail. Mais ce n’est bien sûr pas la seule.

Encore une fois, si on veut le transformer le modèle, il faut le penser dans sa globalité. Même si nos service desks sont pleins d’empathie, et même de sympathie, on peut penser que les utilisateurs n’appellent pas le support juste par plaisir. Ils préféreraient probablement travailler sans avoir à recourir à une quelconque assistance, fût-elle de qualité !

Nous devons donc sérieusement nous interroger sur les motifs de sollicitation des utilisateurs. Nous identifions aujourd’hui six grandes causes de sollicitation :

  • Il manque une information à l’utilisateur.
  • L’utilisateur ne sait pas faire fonctionner la solution digitale.
  • La solution digitale présente un dysfonctionnement.
  • L’utilisateur n’a pas les bons droits ou son compte est en défaut.
  • Il y a un problème général sur la solution ou sur l’infrastructure.
  • Il y a un problème sur le réseau privé de l’utilisateur (n’oublions pas le télétravail !)

Quand nous interrogeons les sollicitations sous cet angle, des plans d’actions se dégagent naturellement. Et ils ne sont pas tous techniques ! Amélioration de la communication sur les mises en production, formation des utilisateurs, audit et rationalisation de l’architecture des droits, défauts structurels des applications ou des infrastructures, etc.

Ces réponses doivent être distinguées selon les solutions digitales. Telle application peut souffrir d’un manque de formation ou d’un process de mise en production insuffisant, quand telle autre souffrira de fragilité par rapport à une structure complexe de sa gestion des droits…

 En quoi est-ce un regard nouveau sur le métier ?
verbatim Lionel Garreau 2

 

Le Problem Management n’est pas nouveau en soi et il est abondamment décrit dans la littérature qui accompagne nos métiers. Mais il est aujourd’hui trop faiblement mis en œuvre. Les besoins de ROI rapides conduisent souvent à mettre en place des indicateurs qui favorisent une course à la résolution la plus rapide de chaque incident, au coût le moins cher possible. Cela se fait au détriment du temps long de l’analyse, de la correction et de la prévention.

En changeant de posture (et cela ne peut se faire que dans le cadre d’une collaboration forte avec les DSI), l’assistance peut ne plus être vue comme un centre de coûts mais comme un outil d’analyse permettant de mettre en évidence les sources de coûts cachés.

Quelles sont les tendances que vous voyez émerger dans les années à venir ?

Outre les points déjà évoqués, je citerais trois aspects.

Le premier est le pendant de la digitalisation des processus métiers. Il y a de plus en plus d’applications, ces applications offrent de plus en plus de possibilités mais gagnent également en complexité. Il est souvent difficile de faire la part des choses entre un dysfonctionnement et un besoin de formation. Dès lors, les frontières s’effritent entre le support « informatique » et le support « fonctionnel et métier » et la demande est de plus en plus grande pour accompagner les utilisateurs plus loin dans la chaine de valeur.

En second lieu je citerais une transformation profonde et durable du support de proximité. L’évolution technologique du Modern Workplace et l’importance donnée au cloud font que nos terminaux sont plus rapidement et facilement interchangeables. Nos données, applications et personnalisations sont attachées à notre profil et non plus à notre matériel. Il s’ensuit que les prestations de proximité nécessitent de moins en moins de temps et d’expertise. Elles peuvent être avantageusement remplacées par des services « logistiques » qui sont en outre plus adaptés aux usages modernes de mobilité et de travail hybride : livraison ou échange de matériel à domicile ou sur des point relai du marché, mise à disposition dans des itBOX

Enfin, il y a un phénomène qui dépasse le champ d’action historique des DSI. De la même façon que les ITSM (IT Service Management) sont devenus des ESM (Enterprise Service Management) le support informatique délivre un service qui peut très naturellement être étendu aux aspects RH ou Services Généraux.

C’est un phénomène que nous voyons désormais poindre dans la majorité des sociétés. De façon assez inattendue, la mise en place des bots l’a rendu très tangible ! D’abord dans l’analyse des sollicitations utilisateurs : si le bot sait répondre à mes questions pourquoi ne pas l’interroger sur mes congés ou mes tickets restaurants ? Ensuite et par rebond, du côté des Service RH et Généraux : si je dois mettre à disposition de l’information auprès des utilisateurs, si je dois entretenir des FAQ, produire des communications ciblés… pourquoi ne pas m’appuyer sur le bot ?

Nous n’avons pas encore évoqué le défi environnemental. Comment êtes-vous sollicités par vos clients sur ce sujet ?

Nos DSI sont de plus en plus fortement challengées sur ce sujet et nous interrogent sur nos capacités à les accompagner, sur les pratiques et solutions du marché en la matière.

C’est un sujet qu’Experis prend très à cœur, avec ambition et avec humilité. Il n’est pas question d’ignorer le sujet, encore moins de recourir au green washing.

D’abord il nous faut être à l’écoute des analyses produites par les experts, qu’il s’agisse du GIEC comme d’autres acteurs tels que l’ADEME ou l’ARCEP, afin de ne pas se tromper de cible ou minimiser les efforts à faire. Il nous faut ensuite observer et expérimenter des nouvelles pratiques ou solutions.

Nous travaillons sur trois axes :

  • des solutions d’analyse et d’optimisation de la consommation énergétique du parc.
  • la rationalisation de nos mouvements logistiques – par exemple en ménageant certaines de nos interventions physiques sur un nombre resserré de créneaux ou en privilégiant des modes de transports alternatifs comme le vélo dans les centres-villes.
  • la fabrication et la destruction des matériels restant le point noir des analyses green IT, il nous faut également nous atteler à prolonger la durée de vie des équipements. Cela passe par un travail sur la data (identifier les machines dont l’usage ne justifie pas une mise au rebut même si la garantie constructeur ou l’offre de leasing arrive à échéance) et en mettant en avant nos offres de conseil et de réparation des matériels.

Toutes les idées doivent être étudiées. Encore une fois, nous devons le faire avec nos clients et, une fois n’est pas coutume, avec nos concurrents. À ce titre nous inviterons prochainement les DSI qui le souhaitent dans des ateliers de travail et de partage d’idées et de retours d’expérience. Le défi est de taille. Il nécessite de nouvelles approches.

 

A lire ou à relire, le premier article consacré à Lionel Garreau, Directeur de la Practice Digital Workspace : Lionel Garreau, expert Digital Workspace : ” L’innovation n’est rien sans une parfaite compréhension des usages”